La couleur pourpre

    Un super roman à découvrir absolument!

Dans l’attente de pouvoir se plonger enfin dans le best-seller américain, la couleur des sentiments, dont on ne cesse de lire des critiques enthousiastes sur toute la blogosphère, voici un autre roman sudiste à succès prenant aussi pour toile de fond la ségrégation et se déroulant durant la période des années 1900 à 1930.

Lorsqu’Alice Walker publia la couleur pourpre (dont le titre original est Cher bon Dieu), une fresque familiale émouvante, elle fut la toute première romancière noire-américaine à remporter le prix Pulitzer de la fiction pour l’année 1983.

 Le récit est basé sur la séparation éprouvante de Nettie et Celie, deux sœurs noires meurtries, l’une vivant à Memphis, l’autre en Afrique. Mariée contre son gré à un mari brutal et sexiste qui l’a acceptée par dépit et qu’elle nomme « Monsieur », Celie se retrouve seule au monde sans sa sœur bien-aimée Nettie qui a été chassée du logis. Malgré l’éloignement douloureux, les deux jeunes filles ne cesseront de s’écrire des missives tout au long de leur vie. Aucune ne leur parviendront. Pourtant, elles n’abandonneront jamais leur correspondance, espérant qu’un jour leurs lettres passent à travers les mailles du filet pour atteindre enfin leur destination.

Alice Walker donne la parole à une femme-enfant dépossédée. Celie est un personnage oppressé à plusieurs niveaux. Elle est pauvre, noire et est battue constamment par son mari qui l’a traite comme une esclave. Toutefois, elle trouve du réconfort dans la rédaction de ses confessions. Initialement, ses lettres sont adressées à Dieu, qu’elle imagine représenté sous la forme d’un « vieil homme blanc barbu », puis, cette image s’estompe. Influencée par Shug, Celie les écrit finalement à Nettie. La relation entre les deux sœurs est merveilleuse. Elles réussissent malgré la distance et le temps qui les sépare à établir un lien spirituel entre elles. Les lettres de Celie sont comme une prière, apaisant l’héroïne et lui redonnant courage. Si elles sont rédigées dans le but d’exprimer et d’adoucir en premier lieu le chagrin qu’éprouve la jeune narratrice, ces confessions se muent peu à peu en un surprenant manifeste féministe.

L’écrivaine évoque plusieurs sujets houleux. L’homosexualité tient une place prépondérante dans son récit car il est le principal moteur de l’émancipation de l’héroïne. Femme écorchée par la vie qu’elle mène depuis son enfance, Celie est bouleversée par l’arrivée de Shug, l’ancienne maîtresse de « Monsieur ».  La pauvre fille l’aime d’un amour passionné. Shug, une chanteuse de blues, indépendante et belle, est un exégète original de la Bible. Prônant l’amour libre sous toutes ses formes, elle interprète les textes sacrés avec beaucoup de sens pratique et rappelle un peu la personnalité d’Alice Walker. Son mode de pensée va doucement modifier le regard que porte Celie sur sa misérable existence.

 Sous le couvert de la mission évangéliste pour laquelle s’est engagée Nettie, l’une des deux héroïnes, l’auteur nous apporte des informations précieuses sur l’esclavagisme et ses origines. Elle souligne en particulier la distinction entre deux entités culturelles que l’on confond souvent: la culture noire-américaine en comparaison à la culture africaine.

      Alice Walker mérite largement son prix. Sa ronde de personnages nous fait découvrir des femmes profondément humaines et hautement spirituelles. La mécanique narrative est parfaitement bien rôdée. Au fil des pages, l’ordre ancien établi par les hommes, vacille doucement sous le poids des révoltes féminines, celles de toutes ses femmes fortes : Sophia, Mary-Agnès (rebaptisée Squeak par son compagnon), Shug Avery, Nettie, Tashi et Celie.  L’évolution de cette dernière est subtile car elle se fait en douceur et n’est perçue d’abord qu’à travers l’amélioration de son langage. L’auteur d’une plume chaude et colorée nous entraîne sur des airs de blues dans un univers riche. Tantôt triste, tantôt drôle, elle réussie à saisir le comique de certaines situations pourtant difficiles. La réunion finale, poignante, fera pleurer le lecteur d’émoi. Tout simplement beau.

Le livre a été adapté en 1985 sous la direction de Steven Spielberg. Il a reçu onze nominations aux oscars mais n’en a remporté aucun !

Et voici pour la Gueuse:

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15 commentaires pour La couleur pourpre

  1. J’ai lu la couleur des sentiments (dire que c’est un bijou serait dénaturé la valeur du roman, alors c’est dire!). A Noël j’ai eu La couleur pourpre mais je donne encore le temps pour le lire car je reste convaincue que certains livres doivent se savourer avant même de les lire. En lisant ton billet, je suis persuadée de tenir le même discours que toi alors je me délecte dans l’attente!

    • missycornish dit :

      Je suis d’accord avec toi! C’est pourquoi j’aime avoir des romans d’avance sur mes étagères, prendre mon temps pour les lire quand le moment est venu, je n’aime pas lire trop vite, j’aime apprécier. Et oui comme toi j’aime faire durer le plaisir!
      J’espère qu’il te plaira, la couleur des sentiments était un bon roman mais j’ai préféré la couleur pourpre qui est bien plus émouvant et sombre, c’est une version moins édulcorée.

  2. Bianca dit :

    Je ne connais ni le livre ni le film, pourtant j’en ai vu des Steven Spielberg ! Je note le roman en tout cas

  3. Ondine dit :

    Je n’ai toujours pas regardé le film, et pourtant j’adore ce que fait Spielberg !
    Je ne connaissais pas le roman, par contre !
    Merci pour ce joli article !

  4. alexmotamots dit :

    J’avais adoré le film. Mais, bizarrement, je ne suis toujours pas tentée par le roman.

  5. armelle dit :

    Je vois, chère Missy, que votre vie est plus que remplie. Bravo, vous savez user du temps avec intelligence. Et celui de la jeunesse est le plus savoureux. Dernièrement, une journée Proust à Cabourg très intéressante avec une conférence d’un professeur en neurologie sur « Proust et le sommeil ». Je vais tout prochainement rédiger un article sur cette journée proustienne et ai acheté le livre de ce professeur – Dominique Mabin – qui ouvre des horizons inédits sur le parcours d’insomniaque de l’auteur de La Recherche.
    A bientôt.

    • missycornish dit :

      Bonjour Armelle! Je suis toujours aussi contente de vous lire. Je vais venir jeter un oeil à votre prochain article sur Proust ce weekend (peut-être déjà posté?) car je suis en train de lire (je n’en suis qu’au tout début) A l’ombre des jeunes filles en fleur. J’ai une édition de poche de Lacroix très belle (les pages sont roses) qui était sortie spécialement pour les fêtes de Noël il y a quelques années. Un vrai livre écrin. J’ai hâte de vous revoir, aux prochaines vacances peut-être. Je vous enverrai un mail pour savoir vos disponibilités. Amitiés et encore merci pour vos gentils commentaires!

  6. M de Brigadoon Cottage dit :

    La couleur Pourpre : Une petite merveille de couleurs , de sensations , d’amour. Le film et le livre qui m’ont donné envie d’Afrique et de Gospel . je l’ai vu , revu et relu et je crois que je vais m’y replonger encore car ton article m’en a donné l’envie , surtout en cette saison où le ciel se couvre de ses couleurs d’hiver !

  7. Linette dit :

    J’ai très envie de le lire celui-la mais je n’arrive pas à mettre la main dessus à la bibliothèque. Il faudrait que je l’achète d’occas. En tout cas, profites-en, la couleur des sentiments vient de sortir en poche dans une belle édition. Et je ne peux que te le conseiller, c’est un beau roman. Bisous. En espérant avoir de tes nouvelles prochainement.

    • missycornish dit :

      Bonjour Linette! Je l’ai aussi acheté d’occasion, pour ce qui est de la couleur des sentiments, après avoir lu ton commentaire, j’ai foncé directement sur amazon pour l’acheter (zut et rezut je ne voulais plus dépenser en livres! je le mettrai sous le sapin, ce sera mon petit cadeau).
      J’ai rédigé la PAL que j’ai prévu de suivre cette année dans le cadre de mes études, peut-être y aura t-il un livre qui te tentera pour une petite LC? Je crains que je ne puisse lire d’autres romans que ceux présents sur la liste. J’ai trop de lectures obligatoires et je lis à la vitesse d’un escargot. Bises, je passerai ce weekend voir ton blog, j’ai vu que tu lisais les Liaisons dangereuses, j’adore ce roman!

      • Linette dit :

        Pas de soucis pour me montrer ta PAL. On verra ça ensemble. ^^ J’espère que La couleur des sentiments te plaira. Pour moi c’est un gros coup de cœur que je relirai sûrement.
        Oui, je lis Les liaisons dangereuses. J’aime beaucoup et je retrouve l’ambiance du film. Mais snif, ça fait quelques jours que je lis très peu et comme c’est un livre qui demande pas mal de concentration, ça n’avance pas vite.
        Bon courage avec tes cours! J’espère que ça se passe bien. Bises.

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